M. La Roche (à droite) expliquant ses diapositives et Spotmatic/28/Lunasix3. photo Martin Benoit |
Durant cet été mémorable, il a fait plus de 1200 photos et dépensé la moitié de son salaire de cuistot au petit kiosque de tourtières devant le dôme géodésique du pavillon américain.
Exposer du Kodachrome™ 25 à 13 ans, ça reste du sport. Le film est très contrasté et ne permet pas d'erreur d'exposition et de température des couleurs. Assez tôt, il s'est équipé d'un posemètre Lunasix 3 afin de mieux contrôler la lumière tombante des fins de journées. Son quart de travail finissait en milieu d'après-midi et la lumière commençait à tomber ce qui lui permettait d'avoir des ciels d'une belle luminosité et saturation.
Comme il me le mentionnait, Expo 67 se photographie plutôt au grand-angulaire qu'au télé. Le télé pour les expressions humaines, le grand-angle pour l'objet qu'était Expo si j'en juge par ses choix.
Des photos, il s'en est pris des milliers et possiblement des millions à Expo 67. Le problème est qu'en cette période sombre de la photographie couleur, le film diapositive dominant était l'Extachrome™ (qui est de retour) et il utilisait le procédé E-3. Ce film était mal stabilisé chimiquement et la couche du cyan disparaissait en une décade ou deux même si vous aviez pris soin de les conserver dans les meilleures conditions. D'ailleurs, le Musée Stewart de l'île Sainte-Hélène présente une collection d'artéfact d'Expo67, dont des bandes de diapositives souvenir d'époque encore emballées dans leur présentoir qui sont rendues monochromatiques rouges...
L'autorité de la conservation muséale photographiques Wilhem Imaging Research raconte qu'un pan de l'histoire du 20e siècle à rougit et pâlit entre 1965-1975 car la vaste majorité des diapositives se sont auto détériorées sous le procédé E-3. Il a fallu attendre le E-6 pour une bonne stabilité des colorants.
Le Kodachrome™ datant des années trente utilisait un procédé exclusif à Kodak qui ajoutait les colorants au moment du développement. Le film n'était constitué que de trois émulsions noir et blanc. Contrairement à l'Extachrome et les autres films couleurs négatifs ou positifs de l'époque et d'aujourd'hui, qui sont eux constitués de trois émulsions noir et blanc et de trois couches de colorants cyan, magenta et jaune qui elles sont dormantes dans l'émulsion. C'est lors du développement que des "copluants chromogènes" réveilleront les colorants déjà en place et leur fera adopter leur coloration finale. Cette stratégie s'est avérée plus simple en terme de pouvoir distribuer une "chaîne" de développement qui permet à n'importe quel labo professionnel de développer ces diapositives ou négatifs. La développeuse Kodachrome™ est une machine qui, en plus de développer les trois émulsions noir et blanc, les réexpose (voile) successivement avec trois sources lumineuses spécifiques et ajoute les colorants cyan, magenta et jaune successivement lors du développement. On se retrouve avec une émulsion légèrement en relief, très stable pour la conservation, mais peu résistante à l'exposition à la lumière. Les Extachrome™, eux, enduraient mieux de rester dans des projecteurs allumés que les Kodachrome™, mais les Kodachrome™ traversent mieux le temps lorsque conservés à l'obscurité. Fin de l'aparté technologique.
Comme le mentionne M. La Roche, Expo était son laboratoire de découvertes et d'explorations photographiques. Vous commencez à faire de la photo et vous avez devant vous cette planète extra-terrestre grouillante d'activités humaines exotiques en tout temps. C'est un sujet riche et infini pour un débutant et même pour un professionnel. J'ai aussi photographié Expo à partir de sa version Terre des hommes les années qui suivirent. À l'époque je ne faisais que du noir et blanc négatif qui autorisait beaucoup d'erreurs. Mes images sont distantes, répétitives manquant d'humanité et sans propos. M. La Roche avait pour son âge une sensibilité à regarder autour de lui et remarquer autre chose que les formes géométriques ou extraordinaires des pavillons.