dimanche 26 octobre 2014

Un Leica sans moniteur

en attendant mon M Edition 60
Leica produira une série très limitée (environ 600) de caméras numériques sans moniteur pour valider l'exposition. Back to the Past où il était impossible de savoir si l’on avait bien exposé avant le développement. Un revendeur Leica de Montréal me dit que l'ensemble viendra avec une paire de gants blancs pour le manipuler.

Ce genre de caméra n'est pas tout à fait nouveau. J'ai travaillé avec un Nikon F3 numérique sans moniteur au début des années 90 et certaines caméras très très amateurs n'ont pas de moniteur.

Le prix ~19 500$ en calmera plusieurs. Vous obtiendrez aussi la nouvelle Summilux 35mm f1,4. Si vous voulez vous pratiquer à exposer sans moniteur, un morceau de gaffer tape sur votre actuel moniteur peut faire l'affaire en attendant votre M Edition 60. Pour les gants blancs, je laisse ça à votre discrétion. ;)

The Unboxing of the Leica M Edition 60 from Leica Camera on Vimeo.

lundi 13 octobre 2014

Viviam Maier, une utopie photographique


 Pour ceux qui ont vu le film « Finding Vivian Maier », il peut en ressortir que Vivian vivait une certaine utopie de liberté photographique. Aucune contrainte de publication, de se trouver des clients, de se plier aux exigences de financement lors de demandes de bourses, etc.

Elle photographiait ce qui semblait lui tenir à coeur en toute liberté. Si elle avait des restrictions, elles étaient d'ordre financier ce qui explique peut-être pourquoi on retrouve peu d'impressions d'époque de sa production, mais plutôt des négatifs et des films non exposés. L'impression et le développement occasionnant des frais importants.

Selon le film, son corpus serait de l'ordre des 105 000 prises de vues. En pellicule 2 1/4 c'est énorme. 105 000 / 12 poses = 8750 rouleaux. Si elle a photographié de l'âge de 18 à 70 ans, ça implique 168 rouleaux par année, donc environ 3 par semaines. Pour un professionnel, c'est peut-être normal, mais pour une photographe de rue qui possède un autre emploi, c'est énorme. Quoi qu'il en soit, sa production est gigantesque et pour l'instant difficilement consultable, le film et les bouquins ne nous montrent qu'un fragment de sa production.

Le film propose différentes explications qui justifieraient sa démarche. En passant par la maladie mentale, l'abus, la compulsion du souvenir, le désir de liberté, etc. Le lecteur est devant toute une palette de possibilités. Malheureusement, il semble que Vivian parlait peu ou pas de sa démarche photographique.

Il faut aussi essayer de comprendre comment était reçue une femme avec des enfants dans les rues de Chicago ou New York qui prenait des photos avec un Rolleiflex la tête vers le bas. Nous ne sommes pas en 2014 où beaucoup de monde se méfie de la photographie. Nous sommes 50 ans en arrière dans des grandes villes américaines à une époque où les gens ne se promenaient pas avec une caméra au cou, en particulier une femme. Difficile à saisir.

En passant, aux États-Unis en matière de droit d'auteur, à qui appartient le droit d'auteur si quelqu'un achète des négatifs dans un marché aux puces? Si un jour vous venez à décéder et que quelqu'un achète vos vieux disques durs contenants vos fichiers raw, est-ce que le droit d'auteur des fichiers raw appartiendra au nouveau propriétaire du support physique? C'est étrange le phrasé qui est utilisé sur le site officiel des photos de Maier pour décrire le fait que ces photos sont protégées par le droit d'auteur. Ma compréhension est que le droit d'auteur devrait appartenir à la succession légale de Maier qui, semble-t-il, n'avait pas laissé de testament... Le site mentionne qu'elles sont protégées, mais ne mentionne pas à qui est le droit d'auteur...

Effectivement, un avocat américain a soulevé cette problématique et il semble que tout est sur la glace présentement, car divers héritiers potentiels sont à négocier à qui revient les profits de ce phénomène photographique.

mercredi 8 octobre 2014

Quel quelques semaines avant la fin de l'expo Gaby sur la rue de Maisonneuve

retouche sur les poils de la main de Cocteau. Cliquer sur l'image pour l'agrandir. photo Martin Benoit
Si vous voulez voir de la « portraiture* » classique au 5x7, 2 1/4 et 35 mm des années 50-70, il ne reste que quelques semaines avant que le volet extérieur de l'expo Gaby se termine. Ensuite, seule la partie intérieure à La Grande bibliothèque se poursuivra jusqu'au 7 juin 2015. D'ici là, le volet extérieur se termine le 16 novembre.

Ayant grandi dans les années 60-70, j'ai beaucoup entendu parler de Gaby comme étant le grand portraitiste classique de Montréal. Une sorte de Yousuf Karsh montréalais.

Ce qui est intéressant d'une visite globale de l'exposition, c'est que l'on peut voir des tirages originaux d'époque encadrés (à l'intérieur de la Grande bibliothèque), des impressions rétroéclairées et des numérisations haute résolution des négatifs originaux ainsi que des impressions offset dans un bouquin. C'est du moins mon interprétation des méthodes utilisées afin de présenter son travail. Selon les modes de présentation, on apprend différentes choses sur son travail. Les impressions argentiques d'époques encadrées nous parlent de sa signature finale en terme de rendu qu'il recherchait et livrait à ses clients. Les numérisations haute résolution des négatifs originaux et imprimées 5 pi x 7 pi nous parle du travail de retouche qui était effectué sur les négatifs ainsi que sa façon de placer son plan focal lors des prises de vues. Enfin le bouquin nous présente une version « idéale » de comment les tirages auraient du être.

On traverse facilement 40 ans de prises de vues et de changements technologiques. En débutant par des prises de vues à la chambre 5x7 (je suppose à voir les proportions des tirages, la taille relative du grain photo et la taille des traits de crayon sur les négatifs). Suivi par un peu de 35 mm et surtout du 2 1/4 carré. Gaby est souvent représenté ayant un Hasselblad à la main. Évidemment sur du 35mm et du 2 1/4 on oubli la retouche crayon sur négatif qui apparaîtrait comme un trait de charrue... Par contre, on obtient beaucoup plus de profondeur de champs. Il est spectaculaire de voir la qualité des forts agrandissements de certaines prises de vues au 2 1/4.

Je savais que Gaby avait photographié de grandes personnalités, mais pas à un niveau aussi international que ce que l'on peut voir dans cet expo. De Pablo Neruda à Jayne Mansfield à Cocteau, il a beaucoup trotté est devait être en demande. Héritier de la tradition hollywoodienne de George Hurrell et des éclairages dramatiques de Karsh, il s'inscrit dans les courants des années 50-60 en conservant un certain classicisme à une époque où l'apparition des parapluies et du flash électronique commence à prendre le dessus sur cette esthétique.

J'aime découvrir l'intention de retouche et l'intention de mise au point du photographe en explorant le détail d'une image à forte magnification. Les très grandes impressions de la Place des spectacles de la rue Maisonneuve permettent une telle analyse.

Gaby n'a probablement jamais vu ses négatifs imprimés à une telle taille. Dans les années 60 une impression argentique de 5pi x 7pi était prohibitive en terme de prix. De plus, ces prises de vues ne se destinaient pas à de telles tailles. Au Quartier des spectacles, plusieurs tirages ne permettent pas au spectateur de se reculer et imposent une lecture très rapprochée. On peut conclure que la grande majorité de ses prises de vues n'ont pas la mise au point sur les yeux, mais souvent sur les oreilles. Si vous avez déjà fait la  mise au point sur un verre dépoli d'époque 5 » x 7 » vous savez qu'il est quasi impossible de faire la différence entre la netteté sur des yeux ou des oreilles lorsque la tête du sujet occupe cette taille sur le négatif. Seule la profondeur de champ permettait d'espérer que tout se passe bien... De plus, il est évident que Gaby n'utilisait pas une puissance d'éclairage extraordinaire, car la profondeur de champ est minime (je suppose un cran ou 2 fermés sur des optiques de 210-300 mm, donc f 8-11). De plus, le Plus-X Portrait 5068 de 100 ISO (le fameux film pour portraits dont la l'émulsion permettait au crayon de mordre afin d'effectuer des retouches directement sur le négatif et pouvoir les effacer au besoin) n'était pas particulièrement sensible si on cherchait un bon détail dans les ombres. Une telle quantité de lumière ne devait pas trop nuire au confort du sujet qui devait quand même passer plusieurs minutes sous ces projecteurs. Le flash électronique a beaucoup changé la donne dans ce genre de photographie. Il en résulte des vitesses d'obturation relativement lente autour du 1/30 qui à l'occasion sont responsables de bougées de la part du sujet. Ils ont préféré conserver les bonnes expressions plutôt que la précision technique.

Un voyage dans le temps et peut-être une esthétique qui fera un retour à en juger par la popularité des « beauty dish » auprès de nos étudiants.

*J'utilise le terme « portraiture » de l'anglais, car quand j'ai eu ma formation en photographie c'est le terme que l'on utilisait de façon péjorative pour référer aux vieilles techniques d'éclairage multisource que l'on considérait comme très théâtrales.