dimanche 27 novembre 2016

24 ips, c'est difficile de changer le subconscient du lecteur

sélecteur de cadence sur une Bolex H16R. photo Martin Benoit
Le débat fait toujours rage autour de la pertinence du 24 images par secondes en vidéo/cinéma. Ce que j'ai constaté avec les années, c'est que, même si cette cadence d'image est imparfaite par sa lenteur et le manque de fluidité, elle reste la cadence qui induit dans notre subconscient la sensation que ce que nous visionnons est une fiction. Si vous voulez faire de la fiction, régler votre cadence à 24 ips et 1/48sec.

Il faudrait modifier 100 ans d'histoire du cinéma pour changer cette empreinte subconsciente dans notre cerveau. À toutes sortes d'époques et pour toutes sortes de raisons, plusieurs ont tenté d'accélérer cette cadence afin d'obtenir plus de détails, plus de fluidité lors des mouvements, mais la conséquence a toujours été un certain détachement de cette sensation que l'on visionne le réel plutôt que l'imaginaire.

Mon parallèle serait un peu comme la photographie noir et blanc qui a été longtemps été associée aux reportages que l'on voyait dans les journaux qui eux, étaient imprimés en noir et blanc. Cette multitude d'images noir et blanc associées aux nouvelles et à la vérité a fini par nous faire croire qu'une certaine vérité doit-être en noir et blanc si on veut que le lecteur y croie. Contrairement à la photo noir et blanc le 24 ips est beaucoup plus ancré dans notre perception subconsciente.

La venue de la vidéo avec son 60 cadres entrelacés a créé une image fluide et continue relativement au 24 ips et ces images nous les avons vues lors des spots télé, lors du téléjournal et dans les téléromans à faible budget. Tout le cinéma de qualité nous a été présenté à 24 images par secondes à 1/48 de seconde. Cette signature visuelle a fini par créer l'association que ce scintillement caractéristique de l'image appartienne à la fiction tandis que le scintillement, ou l'absence de scintillement appartiennent à la vidéo des nouvelles.

Le langage cinématographique est un ensemble de codes qui se sont imprégnés en nous au fil des ans et de l'histoire du cinéma. Ces codes, souvent non identifiables par le lecteur, font partie du langage et sont très difficiles à transgresser. Je me souviendrai toujours de la série télé Ally McBeal où le réalisateur avait tenté de créer de nouveaux codes sémantiques. Seuls les initiés de la série les comprennent et ces codes se sont jamais imposés dans les productions subséquentes.

Les défauts peuvent devenir des "qualités" ou disons des caractéristiques d'un média. Le subconscient et des milliers de visionnements sont des choses lentes à reprogrammer.

dimanche 13 novembre 2016

Avons-nous atteint une accalmie technologique?

Plusieurs aimeraient que la technologie ralentisse un peu afin de rentabiliser leurs gros investissements dans des appareils de dernières générations.

Depuis l'an 2000 c'est la course à l'appareil performant qui nous permettra d'être compétitifs.

C'est une forme de rat race, qui semble sans fin et qui appauvrit plusieurs et diminue la marge de profit  pour ceux qui n'ont pas la chance d'évoluer dans des marchés où la marge de profit est très élevée.

Stratégie de stabilisation chez Sony. illustration Sony
Comme je l'ai souvent répété, à  une autre époque pas si lointaine, votre investissement appareils photo pouvait suffire pour les 30-40 prochaines années de votre carrière.

Le photographe qui possédait un Nikon de la famille F avec une collection d'objectifs, un Hasselblad et 3 objectifs et une chambre 4x5 intermédiaire équipée de 3 objectifs allemands ou japonais, pouvait dormir sur ses deux oreilles et répondre à la très grande majorité de ses affectations. Ces appareils pouvaient être acquis usagés et déjà avoir eu une carrière derrière eux.

Amortir ses investissements appareils photo était une question secondaire. Les frais de studios, assistants, etc. étaient plus importants que les appareils comme tels.

On a l'impression que depuis un an ou deux, il n'y a plus de grands sauts technologiques qui ouvrent de nouveaux marchés et nous permet de rester à flots.

Les nouveaux appareils sont intéressants et mieux que les prédécesseurs, mais pas significativement supérieurs au point de courir les acquérir afin de maintenir sa place dans le marché.

Que se passe-t-il réellement technologiquement parlant depuis 2 ans?
-Augmentation de la plage dynamique. Corollaire, meilleur ISO élevé.
-Baisse du prix des boîtiers.
-Mémoire tampon plus volumineuse, impliquent plus haute cadence (images par secondes)
-Processeur interne plus rapide (plus d'images par seconde)
-Taux de compression moindre en vidéo (meilleure qualité vidéo qui permet un meilleur étalonnage des fichiers en post prod)
-Petit gain en résolution. On n'a pas encore doublé la résolution de la Canon 5D mkII, qui impliquerait un appareil de 84 mpx. Par contre, les 21 mp de la 5D mkII étaient suffisants pour la grande majorité des affectations.
-Les dos moyen format augmentent un peu en résolution, ne baissent pas vraiment de prix et ont tranquillement une meilleure gradation.
-La stabilisation des capteurs est, selon moi, une grande évolution, qui permet d'atteindre de plus grands niveaux de netteté et ainsi mieux exploiter les objectifs et leurs capteurs. Ce ne sont pas toutes les compagnies qui ont opté pour cette solution. Olympus et Sony sont les grands joueurs dans cet univers. Canon et Nikon stabilisent certains de leurs objectifs au lieu des boîtiers. Un ne s'oppose pas à l'autre...
-Amélioration des appareils hybrides (on n'a qu'à penser à l'immense succès de la Sony A7rII) au point que plusieurs professionnels les adoptent.
-Le 4k apparait dans plusieurs caméras, mais le débit n'est pas toujours au rendez-vous et la puissance des ordinateurs "domestiques" est toujours timide quand vient le temps de manipuler ces gros fichiers.

Qu'espérons-nous de la progression de la technologie dans les prochaines années?

Voici ma liste de souhaits:

1- Un système de piles universelles de qualité adopté par tous les manufacturiers qui éviterait l'obsolescence de nos équipements. Le monde du cinéma et de la vidéo l'on fait avec le format 14v et le V mount et le XLR 4 broches.

2- Une construction modulaire qui permettrait de remplacer un module capteur selon l'évolution de la technologie. Black Magic a tenté l'expérience avec l'Ursa, mais qu'est-il vraiment arrivé?

3- Des appareils hybrides à faible consommation électrique afin d'en augmenter l'autonomie. Les appareils hybrides devraient diminuer les coûts de fabrication et diminuer les bris, car pas de mécanisme de miroir et ils seraient moins bruyants.

4- De la géolocalisation et de la communication évoluée intégrée afin de diminuer le travail d'ajout de métadonnées aux fichiers et faciliter la transmission des fichiers.

5- Une pérennité augmentée.

Nous ne sommes pas très loin de ça à l'exception d'un système de piles cohérent.

Il est temps de faire des images et d'oublier un peu la techno, qui, à l’heure actuelle, est au rendez-vous des besoins photographiques de la grande majorité des marchés.