dimanche 14 avril 2013

Cartier-Bresson, paparazzi de son époque?


Tous des paparazzi d'un jour. photo Martin Benoit
Un ex-assistant de Cartier-Bresson raconte de façon cinématographique ses journées avec Henri. Un fait assez rare, car, à ma connaissance, Cartier-Bresson n'a pas été filmé prenant des photos et expliquant sa façon de travailler.

Quand on lit le texte de Patel, dans un contexte moderne, plusieurs termes qu'il utilise et plusieurs comportements qu'il décrit pourraient être perçus comme des comportements de paparazzi. Selon Patel, Cartier-Bresson se rend le plus discret possible, il peint son Leica noir pour ne pas être remarqué, immédiatement après avoir pris une photo il disparaît de façon furtive avant que le photographié ait pu se rendre compte qu'il était photographié.

Selon Patel, ce sont ces attitudes qui lui permettent de capter ces moments décisifs si précieux et valables. Cartier-Bresson décrivait lui- même son approche comme étant des « images à la sauvette ». C'était d'ailleurs le titre de son fameux bouquin, qui a été ensuite renommé, dans sa version anglaise, « TheDecisive Moment». Un titre qui semble plus « noble » aujourd'hui.

La façon dont on juge les comportements des photographes est fonction de l'époque et de la culture. Un comportement acceptable à une certaine époque, pour une certaine culture, peut sembler inacceptable à une autre époque selon la morale d'une autre culture. Comme l'expliquait William Klein, dans le film « La rue zone interdite », il y a des villes où si vous photographiez des enfants se balançant dans un parc, vous êtes un vieux pervers et d'autres villes où les parents vous sourient.

Depuis la mort de Lady Di, où l'on a attribué les excès de vitesse de Monsieur Henri (le chauffeur) à une poursuite des paparazzi à motocyclettes, les photographes qui « traquent » leurs sujets sont très mal perçus.

Cartier-Bresson, qui était aussi chasseur, au sens propre du terme, expliquait que ses techniques de chasse au fusil l'aidaient pour saisir ses moments décisifs photographiques. Aujourd'hui, à Montréal, j'entends souvent le terme, « ça c'est une photo volée » et ça ne semble pas trop positif à l'égard du photographe.

Probablement, 50% des dizaines de milliers de photos que j'ai prises dans ma vie sont des photos volées en ce sens. Comme Cartier-Bresson je n'aime pas intervenir avec les sujets quand je suis en mode reportage, ce que je fais volontiers lors d'un portrait corporatif, par contre. Ce n'est pas que je ne crois pas à l'intervention en reportage, ce n'est juste pas ma personnalité et pas ce que je recherche. On pourrait assoir tous les photographes sur des récamiers de psychiatres pour comprendre leur démarche individuelle, mais l'histoire de la photographie a démontré que la variété d'approches a créé le paysage photographique qui est le nôtre.

La photographie de rue a son lot d'adeptes et de détracteurs. En particulier à Montréal où l'affaire Duclos (l'arrêt Aubry Vice-Versa) a fait couler beaucoup d'encre et excité l'imaginaire collectif en regard des droits et devoirs des photographes. Chaque citoyen est devenu un petit juriste et vous expose vos obligations en tant que photographe. Merci de nous les rappeler.

Du milieu des années 90 à avant, le printemps québécois le passant montréalais ne voyait pas d'un bon oeil le photographe de rue. Depuis le dernier printemps, la photographie de rue a souvent permis d'identifier des dérapages des forces de l'ordre que l'on aurait ignorés autrement (on n'a qu'a penser au cas du matricule 728). Selon la déontologie des photojournalistes, ces images étaient d'intérêt public et par le fait même étaient donc légitimes. Est-ce que les photos de Cartier-Bresson auraient toutes passé le test?

La fille de Doisneau racontait, après le décès de son célèbre père photographe, que depuis les dernières années la représentation de soi avait pris une dimension démesurée et que les gens y attribuaient une trop grande importance (voir le film : La rue zone interdite). Avec l'amélioration des caméras des téléphones cellulaires, tout un chacun sommes en train de devenir un petit paparazzi ou un petit témoin de notre époque à notre façon. Je prédis que monsieur tout le monde, étant maintenant derrière le kodak à l'occasion, aura des jugements à l'égard des gestes photographiques furtifs de moins en moins sévères.

1 commentaire:

Claude Gauthier a dit...

Le Baiser de l'hôtel de ville de Robert Doisneau a longtemps été identifié comme le summum du ‘moment décisif’, jusqu’à ce que le chat sorte du sac et que l’on découvre qu’il s’agissait d’une mise en scène. Voilà la fine ligne entre un sujet victime d’une capture a la sauvette et le sujet consentant a la prise d’une image. Avec le consentement vient le désir de présenter son meilleur profile, autant du côté du photographe que du sujet. Adieu la spontanéité, adieu l’authenticité, bienvenue l’image bien léchée, pensée et travaillée.