Qu'en est-il des Digital Darkroom de Silicon Beach Software, Color Studio de Letraset, Image Studio, MacPaint et...? Pour ceux qui pitonnaient des ordis domestiques au début des années 90, la norme dans les centres de préimpressions et chez les graphistes, qui utilisaient des ordinateurs domestiques, était Color Studio de Letraset, qui est devenu aujourd'hui Corel Painter X3 pour pas cher. Color studio était une espèce de Photoshop/Illustrator aux hormones. Ce logiciel valait ~1100$ quand Photoshop en valait ~750$. Color Studio était précurseur, il pouvait travailler en cmjn et gérer tous les paramètres d'impression au niveau de la forme du point et beaucoup, beaucoup plus.
Ma copie de Photoshop v1.0 sur mon vieux laptop PowerPC. Elle roule encore, l’écran du laptop moins certain... |
La réalité, c'est que des années durant, Adobe a laissé Photoshop se faire pirater avec grande simplicité de sorte qu'il puisse inonder le secteur et ils ont tranquillement acheté tous leurs compétiteurs grâce aux profits de leur vente de licence Postcript pour imprimantes. Si je me souviens bien de leurs rapports annuels de l'époque, ils tiraient ~50% de leur revenu de la vente de ces licences. Toutes imprimantes utilisant la technologie Postscript devaient payer une royauté à Adobe. Ils ont ensuite acheté Aldus et Macromedia pour n'en nommer que quelques gros. Leur compétition s'est étiolée et ils sont devenus le roi de la montagne. Une fois bien installés, ils ont rendu le piratage un peu plus complexe, pour aujourd'hui se retrouver avec Creative Cloud.
Au début de l'ère Photoshop, j'ai vite été un Photoshopevangelist et j'ai répandu la bonne nouvelle, même après avoir été formé au Creative Center for Imaging de Camden sur Color Studio. J'ai ensuite été engagé par l'université de Sherbrooke pour convertir les profs de graphisme du cégep Ahuntsic au nouveau logiciel d'Adobe (Photoshop). Eux, qui étaient des anciens utilisateurs de Color Studio, n'étaient pas particulièrement impressionnés. Ils se sont quand même convertis et peu se souviennent de leur vie antérieure à Photoshop aujourd'hui.
Qu'elle est la force de Photoshop? Photoshop avait une courbe d'apprentissage accessible même si cela nuisait aux performances du logiciel. Le premier venu pouvait altérer une image sans trop consulter le manuel. Ce n'était pas du tout le cas de Live Picture, un logiciel incroyable du milieu des années 90, qui était principalement un éditeur de métadonnées hyper rapide et qui pouvait travailler sur n'importe quelle taille de fichier, abstraction de la puissance de votre ordi. Live Picture coutait ~5000$ initialement et était protégé contre le piratage. Live Picture a été abandonné finalement à cause de sa complexité initiale d'utilisation. Peu on franchit le seuil critique de compétences qui permettait d'être à l'aise avec le logiciel. Photoshop a été gentil avec ses utilisateurs et les progrès technologiques ont compensé pour ses faiblesses. La vitesse des CPU a augmenté et le prix du ram a baissé permettant finalement de rendre le logiciel utilisable rendant ainsi caduque les autres logiciels plus performants qui sont disparus progressivement n'ayant pas la base d'utilisateurs nécessaire à leur survie.
Lightroom est un éditeur de métadonnée, il altère les pixels originaux uniquement quand on exporte le fichier, entre temps il ne change que l'affichage de l'image et il est facile d'utilisation. Adobe continue dans sa stratégie de facilité d'utilisation. Ils vont faire disparaitre PhaseOne MediaPro, Extensis Portfolio et Apple Aperture, des logiciels de catalogues antérieurs, qui ont des qualités réelles. C'est la force du gros et des stratégies de marketing agressives. Lightroom a été gratuit très longtemps et pas cher ensuite, ça encourage plusieurs à faire le saut. J'ai fait le saut dès le début, mais j'utilise toujours MediaPro. Pour combien de temps?
Tout ça démontre un peu ce que Steve Jobs voulait démontrer. Une expérience agréable est plus importante que la performance brute. Finalement, c'est son interface graphique empruntée à Xerox qui a survécu. Tout le monde, que ce soit sous Windows ou OSX, utilise aujourd'hui une interface graphique au lieu d'un prompt pour entrer une ligne de commande. L'utilisateur moyen veut être opérationnel et pas être nécessairement un geek.
La simplicité a souvent meilleur goût.