samedi 29 juin 2019

La rééducation, le gros problème

Ce que j'entends le plus, relativement aux vieux routiers qui essaient des Sony A7 ou A9, c'est la difficulté d'adaptation à passer de Canon/Nikon vers Sony.

Quand t'as passé les 25 dernières années à réagir à des situations avec une certaine ergonomie, tu joues de ton instrument comme si c'était une extension de ton corps. Quand tu changes d'ergonomie, t'as l'impression d'avoir perdu ta virtuosité et t'es prêt à céder les avantages techniques pour retrouver tes vieilles pantoufles qui te permettent de danser le rigodon.

De plus, tirer avantage des nouveaux mirrorless, que ce soit la famille Z de Nikon ou les R de Canon, implique de revoir sa philosophie d'exposition, sinon on n'en profite qu'à la moitié.

Selon moi, un gros aspect des mirrorless est de visionner en temps réel le rendu de la photo finale et de poser les correctifs en temps réel. Finis le "chimping" (validation sur le moniteur) pour s'assurer que l'image est bien exposée. Vous regarder le moniteur en temps réel dans le viseur (si vous êtes en mode "simulation d'exposition"). Vous pouvez donc faire appel à tous les modes automatiques plus intelligents qu'auparavant, car la mesure de la lumière se fait au niveau capteur avec ses millions de posemètres et ses algorithmes de compréhension de la scène.
Canon A-1. photo Martin Benoit

Je me souviens de l'apparition du Canon A-1 (1978). Le premier appareil qui a offert 3 automatismes et un ordinateur de bord. Priorité ouverture, priorité vitesse et programme. C'était une révolution technologique qui a été très mal accueillie chez les pros. Encore, aujourd'hui, on considère que d'être bon photographe, implique savoir exposer en mode manuel. On n'a qu'à voir la popularité des t-shirts qui affichent la consécration du mode manuel.

Le Canon A1 a été mal accueillie car il pouvait sembler déposséder l'opérateur du contrôle de l'appareil. Il pouvait aussi exposer en manuel. Canon était dans sa montée de popularité avec son nouveau F-1 pro qui lui, n'offrait pas d'automatisme.

À cette époque j'enseignais la photographie aux adultes dans le sous-sol de l'église de mon quartier. Je me souviendrai toujours de la dame qui m'est arrivée avec cet appareil de son mari et qui voulait que je lui explique. J'ai du lui offrir une session particulière chez elle afin d'étudier moi-même le complexe manuel d'instruction qui réferait à une approche et une ergonomie avec laquelle ne n'étais pas familier. Je ne sais pas si j'ai réussi à lui enseigner son utilisation, il me semble que je l'aie peu revue lors des cours subséquents... Je possède moi-même un tel appareil et chaque fois que je veux l'utiliser, je dois reconsulter le manuel. C'est probablement, car je ne l'utilise pas tous les jours.

Il a fallu attendre plus de 20 ans pour que chez les pros on commence à considérer certains automatismes en ce, en ne le criant pas trop fort sur les toits. Pourquoi se priver d'une intelligence artificielle pertinente quand elle peut accélérer notre travail ou notre réflexion? Oui, il faut la monitoriser et la gauchir au besoin en utilisant notre intelligence humaine de pro, mais est-ce que notre raisonnement en manuel est si supérieur aux décisions que feraient un automatisme bien sélectionné pour la situation?

Apprivoiser les automatismes des divers appareils est une tâche en soi. Chaque appareil et chaque mode à ses caprices. Il faut les connaitre et savoir anticiper les situations où il faudra faire preuve d'humanité derrière les décisions. Je me souviens de mon premier appareil sophistiqué (Nikon F801s). Il n'y a presque pas de différence entre les décisions que prend un Nikon D5, qu'un F801s. La lecture matricielle globale de la lumière qui prend en compte la rotation de l'appareil à l'aide d'une bille de mercure qui se déplace selon la posture (c'est du moins la légende urbaine). J'avais enfilé un 36 poses d'Ektachrome 100 (un film capricieux à bien exposé) et j'avais tiré 36 photos de diverses situations problématiques en priorité ouverture et j'avais laissé l'appareil prendre les décisions. Il y avait peut-être 2 photos qui n'étaient pas exposées de façon optimale. Bien sûr, une fourchette de 1/3 de cran sur chacune des photos aurait produit plus de flexibilité, mais toutes les photos étaient bien exploitables sur un numériseur à tambour professionnel.

Mon "professionnalisme" résidait en bien choisir l'ouverture prioritaire. L'ISO m'était imposé par le film et la vitesse était choisie par l'appareil. Je monitorise la vitesse choisie dans le viseur et j'opère la bague ou molette d'ouverture en fonction des propositions ou encore la molette de compensation d'exposition selon le sujet. Et voilà!

L'important c'est d'être confortable et habile avec son appareil. Si ça vous prend une année ou deux à développer ce confort, il n'y a pas d'examen de fin de session, ainsi soit-il.

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