lundi 26 décembre 2011

Qu’a apporté Steve Jobs à la photographie?

Selon la biographie de 550 pages de Steve Jobs, par Walter Isaacson, que je viens de terminer, Steve Jobs aurait popularisé les interfaces graphiques des ordinateurs domestiques qui eux, ont permis de démocratiser la PAO (publication assistée par ordinateur, Photoshop, Quark, etc.).

Il faut se souvenir qu’avant le Mac, et ensuite Windows, la PAO se faisait sur des machines dédiées de haut niveau et haut prix réservées aux maisons de pré-impression. On se souviendra des systèmes Scitex, Quantel Paintbox, Hell Chromacom, Crossfield et Dainippon Screen. Pour les plus jeunes ces marques ne peuvent rien signifier, mais pour avoir fréquenté ces maisons, à la fin des années 80, et début 90, leurs prix et l’expertise nécessaire des opérateurs rendaient ces systèmes qu’accessibles à une minorité.

Selon ceux qui en possédaient et contrôlaient une partie du marché, c’était bien mieux comme ça.
Le jour où Photoshop a commencé à faire de vrais jobs, les anciens pros disaient que la qualité produite n’était vraiment pas à la hauteur de la qualité produite par les « vrais » systèmes des dix dernières années. Le temps démontra leur erreur de lecture et Photoshop devint le standard de production de l’industrie avec ses défauts et ses qualités.

Selon Steve Jobs, Apple aurait contribué à mettre Adobe sur la carte à une époque où Adobe n’écrivait que pour la plateforme Macintosh. L’interface graphique conviviale et robuste du Mac a contribué à rendre accessible la PAO. Lorsque quinze années plus tard, quand la photographie numérique est devenue accessible à l’amateur, les ordinateurs domestiques étaient utilisables pour gérer les images.

Imaginons que nous soyons restés sous MS-DOS (pré Windows) et que la photo numérique arrive en 2000. Les amateurs auraient pris des photos avec leurs appareils et les auraient apportés à la pharmacie qui les aurait pris en charge pour leur produire des impressions et peut-être leur remettre un CD pour des frais supplémentaires. Peut-être que ce CD aurait été visionnable sur un téléviseur équipé d’un lecteur DVD approprié. Les ordinateurs n’ayant pas inondé les résidences, car leur utilisation aurait été réservée à des « experts du prompt C\ : ». La photo numérique se serait démocratisée et aurait remplacé la pellicule, car le geste aurait été le même, click-pharmacie-tirage.

La très grande différence est que sans les ordis domestiques utilisables par le commun des mortels, l’Internet prend un autre sens, le partage des photos prend un autre sens ainsi que leur distribution. Le phénomène Flickr et cie et les conséquences sur le marché photographique de la banque d’image.
Est-ce que Jobs, en popularisant l’interface graphique et la convivialité, a nui au marché photographique en accélérant la démocratisation de l’image?

Quand on dit que le marché photo n’est plus ce qu’il était et que c’est plus difficile aujourd’hui qu’avant d’en vivre, à quoi fait-on réellement allusion? Chose certaine, le web a augmenté les besoins d’images et ça, ça devrait être bon pour les photographes ou du moins générer plus d’emplois.
La démocratisation de l’informatique et de la photographie a fait perdre un certain « secret professionnel » du photographe. Certains s’ennuient du certain « calme » de l’époque argentique et de son flux de production et d’intervenants. La très grande majorité ne reviendrait pas en arrière pour des fins professionnelles.

La profession s’est mutée en un autre paradigme, un peu comme l’apparition de l’automobile qui a perturbé l’économie des chevaux et des maréchaux ferrants. Cette nouvelle industrie a par contre généré toute une pléthore d’emplois d’une autre nature. Doit-on accuser Henry Ford d’avoir nui aux maréchaux ferrants et apprécions-nous l’autonomie que la voiture a créé?

L’impact de Jobs est de cette nature sur la photographie, il n’est pas seul dans cette révolution technologique, mais sans les interfaces graphiques conviviales, la courbe de pénétration des ordinateurs domestiques aurait été différente et nous en serions ailleurs, un peu en arrière de plusieurs années.

Un ouvrage que j’ai dévoré en 4 jours et qui m’a permis de comprendre l’arrière scène des petites guerres intestinales entre Adobe et Apple et Flash et Androïde et que Jobs et moi ne nous serions jamais entendu. J’ai quand même écrit ce billet sur un Mac...

Opérateur d'une station de retouche Crosfield Studio chez Opticoulour dans l'ouest de Montréal en 1990. L'opérateur en sarrau est en train de détourer, à fort grossissement, la griffe porte-flash d'une caméra pour l'insérer dans un catalogue sur fond blanc. On remarque le fort vignettage à 1,0 de l'objectif Noctilux. photo Martin Benoit

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Pour son époque, il est indéniable que Steve Jobs a été un visionnaire proactif de garage plutôt que de salon… Son apport dans l’évolution de la sphère informatique et de son intégration socio-économique est particulièrement remarquable. Plus élitiste que démocrate comme Bill Gates, il a su drainer l’enthousiasme et l’énergie d’une nouvelle classe culturelle d’usagers qui représentent en quelque sorte l’avant-garde de la révolution numérique. Comme tout révolutionnaire, il a été un déstabilisateur de l’establishment auquel il a opposé ses nouveaux dogmes. La puissance de sa messe technologique reste irréfutable peu importe ses motivations profondes. Aujourd’hui il demeure une source d’inspiration mais comme tout grand homme, il ne faut pas perdre pour autant son sens critique vis-à-vis « l’œuvre du maitre ».
Daniel M