dimanche 29 décembre 2013

Le paradoxe du photographe-citoyen

Avec le décès du jeune photojournaliste Molhem Barakat en Syrie, la question du journaliste-citoyen et de la survie du photojournalisme revient à la surface.

Selon Photo District News, le jeune était une sorte de « stringer » pour l'agence Reuters.
Pouquoi Reuters utilise un jeune?
Est-ce que Barakat était un photojournaliste ou un citoyen-photographe avec un accès particulier?

Comme le mentionnaient les divers conférenciers de Media McGill lors de leur conférence sur la pertinence des photographes de guerre, les photos qui laisseront leurs marques relativement aux futurs confits importants (breaking news) seront prises par des belligérants ou des citoyens à proximité des lieux et non pas par des pros.

La progression de la qualité des images produites par les nouveaux téléphones portables et la capacité de diffuser ces photos rapidement grâce aux réseaux 3G, LTE et autres à venir, permettra de plus en plus la diffusion quasi instantanée d'images inaccessibles aux photographes professionnels.

Les simples manifestations étudiantes du printemps québécois m'ont rapidement démontré qu'à court terme, les photos transmises rapidement et prises de points de vue souvent difficilement accessibles aux pros, sont les photos pertinentes. Sont-ce les photos qui suscitent la réflexion et qui respectent la déontologie du photojournalisme? C'est discutable.

Les nouvelles politiques de la Maison-Blanche afin de limiter l'accès au président américain démontrent que les accès à la photographie officielle seront de plus en plus réduits. Avons-nous vraiment besoin de ces photos officielles? Trouvons-nous à travers ces images un volet de la présidence insoupçonnée? Je crois qu'un président ne peut être acteur 12 heures par jour et paradoxalement est-ce pertinent de nous démontrer qu'il a un volet humain quelques 1/125 seconde par jour?

La polémique entourant le selfie d'Obama avec la première ministre danoise démontre la difficulté que l'on a s'extraire de la fraction de seconde photographique. Tout le monde à son opinion sur le sens à donner à ces images prises lors d'un événement officiel, mais d'une perspective « discrète ». Donnerions-nous le même sens à ces images si elles avaient été prises au grand angle à 1 m des protagonistes comme c'est souvent le cas en photojournalisme? Le photographe a utilisé une 600 mm et un doubleur pour capter ce moment « d'intimité-public ».

Avec la venue des jeux Olympiques de Sotchi qui seront très contrôlés par le Kremlin (probablement pas plus que ceux de Pékin), plusieurs s'offusquent de la censure probante à venir. Les grandes puissances ont compris, depuis la première du Golfe (pour ne par dire le Viet Nam) que le contrôle de l'information est intimement lié au contrôle des populations. Rien de nouveau sous le soleil de la désinformation. Un de mes défunts oncles, capitaine durant la Seconde Guerre, avait pour mandat de préparer les populations nord-africaines à la venue des troupes alliées afin qu'elles soient reçues de façon appropriée. Le parti National Socialiste de l'Allemagne de la Seconde Guerre avait son ministre de la propagande (Goebbels). Le merveilleux bouquin « The Commisar Vanishes » illustre bien le rôle de la photo à des fins de désinformation. Les appellations ont changé, mais les rôles sont souvent les mêmes en pays « démocratique » et moins démocratique.

La solution à l'information est selon moi l'instruction (je prêche pour ma paroisse). Les meilleures photos de presse prisent le plus intelligemment possible, si elles ne sont pas bien décodées n'empêcheront pas une population de mal les interpréter. Nick Ut, qui a fait la fameuse photo de la petite fille au napalm, raconte souvent que dans les jours qui suivirent sa diffusion, la photo avait été récupérée par les partis opposés pour en faire leur propre propagande. C'est pour dire que, sans la nuance qui s'impose à la lecture de plusieurs images, la diffusion d'images peut rater son but, voir même atteindre le but contraire. L'affaire Snowden, démontre la profondeur de la pénétration de la connaissance de la vie privée, et ce à quelles fins? On explique peu le pourquoi de tous ces efforts titanesques de monitoriser tous les mouvements sur la Toile et la Toile périphérique. Ceux qui roulent Firefox peuvent s'installer le petit module complémentaire « collusion » afin de suivre les cookies qui communiquent entre eux. La NSA n'a rien inventé, c'est nous qui ouvrons toutes grandes nos portes à tout un chacun.

Désinformation 101 devrait être obligatoire au secondaire et au cégep en version 102. Le lecteur éduqué serait plus apte à exiger et se diriger vers de l'information de qualité. Avec la Toile qui permet de choisir son information, un lecteur discriminateur pourrait choisir son information et les gouvernements auraient un peu plus de difficultés à nous passer leurs salades et le résultat des élections seraient peut-être un peu différent. Laissez-moi rêver un peu. Le jour où l’on m'expliquera clairement pourquoi les troubles très importants de la République Démocratique du Congo sont tellement élidés par les grands médias, incluant nos chers médias québécois, je militerai pour une liberté de presse et un accès photographique. Nos propres médias sont sélectifs.

C'était mon message de fin d'année et sur une note plus joyeuse, voici le meilleur reportage qui m'a été remis cette session par une étudiante du cours Reportage qui touchait au vidéo pour la première fois.


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