Metabone V, adaptateur EOS/OM. photo Martin Benoit |
Voici une première impression de mes premiers pas avec la Sony A7sII.
Depuis des années, la majeure partie de mon "corpus" (pour parler comme un artiste) est constituée de photos prises sur le vif dans des situations d'éclairage difficile. C'est beaucoup l'histoire de mon existence photo ayant acquis un objectif Noctilux f1,0 en 1980 et m'étant toujours intéressé aux films à ISO élevés. Même si j'enseigne le flash TTL, je n'en ai jamais été un fervent utilisateur.
La venue du numérique a été un pas arrière au début, considérant la faible luminosité des zooms et les mauvais ISO. Lorsque la Nikon D3 a fait son apparition, en révolutionnant la notion de sensibilité, j'ai été très séduit par les performances de l'appareil qui en a fait réfléchir plus d'un en comparativement aux performances de Canon.
La Sony A7s et sa succession A7sII font un autre pas de géant relativement à la D3. Le prix à payer est la grande taille des pixels qui impose une faible résolution même sur un plein capteur. 12 mégapixels en fait réfléchir plus d'un, m'incluant étant habitué à au moins 18 mégapixels depuis des années ou encore plus avec une Nikon D810 de 36 mégapixels qui produit des images de première qualité.
Mon attrait a été le faible bruit à ISO élevé, la stabilisation 5 axes, la faible taille de l'appareil, l'absence de bruit de l'obturateur, la visée numérique en temps réel, la minceur du boîtier qui lui permet de recevoir des objectifs de toutes les marques, le Wi-Fi, le NFC et les performances vidéo, 4K, 100mb/sec, 4:2:2, 120 fps.
La réalité de l'utilisation nécessite une rééducation et une révision du paradigme de prise de vue. Plusieurs de mes étudiants utilisent des appareils de la famille A7 chez Sony, mais n'exploitent pas la puissance de tels appareils selon moi. C'est probablement, car je ne leur enseigne pas comment... Voici ma démarche d'utilisation:
-Ne pas photographier à une vitesse inférieure à 1/250 sec de sorte à figer le sujet.
-Si la vitesse doit-être inférieure, m'aviser avant de monter l'ISO indéfiniment (auto ISO).
-Limiter l'augmentation de l'ISO supérieure à 40 000.
-Utiliser la stabilisation du capteur sur 5 axes.
-Exposer en mode A (priorité ouverture). C'est moi qui décide de l'esthétique de l'image en termes de profondeur de champ et en termes de ce que j'anticipe comme compromis profondeur de champ vs vitesse d'obturation vs ISO.
-Utiliser la molette de compensation d'exposition avec présentation en temps réel du résultat dans le viseur. À l'époque du système des zônes, on aurait parler de"placement" des valeurs.
-Faire la mise au point manuellement en utilisant la précision du viseur et sa possibilité de me montrer en temps réel la profondeur de champs et au besoin, magnifier un zône de prise de vue pour être encore plus précis.
Beaucoup de ces critères sont inacessibles en photographie numérique traditionnelle. L'implantation de la solution sans miroir de Sony permet cette approche grâce à un viseur électronique surprenant en termes de netteté et avec une quasi-absence de délais. Pour avoir utilisé les meilleurs verres dépolis en photographie argentique (les Acumat d'Hasselblad, les H2 de Nikon), l'image produite par l'écran OLED de la A7sII est supérieure ou égale à ces excellents verres dépolis. Je me passe ici de commenter sur la très grande difficulté de faire la mise au point avec les réflex numériques présentement sur le marché qui cessent de nous afficher la profondeur de champ réelle pour les ouvertures plus grandes que f2,8. Faire la mise au point manuelle est une opération très risquée et souvent aléatoire.
De plus, l'objectif étant à son ouverture de prise de vue, lors de la visée, l'image affichée dans le viseur est l'image réelle de la captation sur la A7.
J'ai pu, à l'aide de quelques adaptateurs, tester la majorité de mes objectifs accumulés depuis des années. J'ai ainsi découvert que ma 35mm Summaron pour Leica avait un très mauvais contraste et endure très mal les contre-jours à ma grande déception, car cet objectif est tellement compact et ergonomique. D'autre part, ma 28mm Zuiko pour Olympus OM est excellente et elle aussi très compacte. Beau contraste et beau piqué à pleine ouverture. Et ainsi de suite, je remets sur la route des anciennes perles oubliées. Merci à la faible épaisseur du boîtier qui permet d'accomoder ces objectifs et merci à la mise au point en réel dans le viseur. J'ai l'impression que c'est le jour de paye au lieu du jour de dettes, quand on passe d'une compagnie à une autre en numérique.
Est-ce grave de faire la mise au point manuellement par opposition à une mise au point automatique sophistiquée d'appareils comme le Canon 1Dx, Sony Alpha 9 ou Nikon D5? En photographie sportive, oui. En photographie événementielle, de rue et de reportage, non selon moi. J'ai déjà quelque 400 prises de vues effectuées en manuel et je ne me suis pas senti ralenti, je me suis même senti rassuré pouvant prendre conscience de la profondeur de champs en temps réel.
Cet appareil est surtout vendu pour ses performances vidéo. Performances que je n'ai pas encore analysées tant l'approche photographique nécessite à elle seule la lecture d'au moins la moitié du manuel d'instruction. En vidéo, sa grande sensibilité permet de faire des captations avec un budget d'éclairage moindre voir quasi absent. Le 100 mb/sec permet un meilleur étalonnage combiné avec un profil de type S log. La stratégie de compression 4:2:2 minimise la dégradation des couleurs et le plaquage. Pour finir, le 120 ips donne accès à des ralentis de 5x spectaculaires.
Je reviendrai sur ces volets, car c'est de la théorie et des spécifications sur papier pour moi. Je devrai les vivre en situations réelles avant de me faire une opinion.
Donc ma chorégraphie d'une prise de vue se résume ainsi:
-Repérer la scène à photographier
-Évaluer l'objectif nécessaire à l'angle de la prise de vue en fonction de la composition
-Installer l'objectif et se positionner (dans le cas où je n'utilise pas un zoom)
-Régler l'ouverture en fonction de la profondeur de champ recherchée et de la luminosité de la scène.
-Mettre à On la caméra (la pile a peu de réserve et elle consomme toujours, soit le viseur électronique est à ON, soit l'écran arrière)
-Paufinner ma position et cadré le plus serré de sorte à optimiser le 12 mp
-Régler la mise au point grâce à la bague mécanique
-Paufiner la mise à point au besoin en appuyant sur le bouton C près du bouton de déclenchement pour magnifier le centre
-Ajuster la molette de compensation d'exposition afin d'obtenir le "placement" des valeurs désiré.
-Valider l'ISO que l'appareil utilisera en appuyant à mi-course le déclencheur. L'ISO final est affiché en bas à droite du viseur. Corriger l'ouverture au besoin.
-Déclencher et maintenir le doigt sur le déclencheur si je veux photographier en rafale.
Si le mode d'affichage immédiat du résultat dans le viseur est activé, je pourrai apprécier l'expression saisie immédiatement dans le viseur au détriment de pouvoir continuer à suivre l'action. C'est un choix.
Les aspects qui diffèrent d'un réflex numérique à miroir traditionnel sont l'appréciation de la mise au point et de la profondeur de champ en direct, la validation du placement des valeurs, le visionnement du résultat final sans retirer l'oeil du viseur très rapidement.
Je crois que ce changement de paradigme est particulièrement significatif en photographie événementielle, mais peut-être moins pertinent en studio où la caméra est reliée à l'ordi et où on est moins pressé de capturer le moment "décisif".
J'ai l'impression de retourner à l'époque argentique avec une possibilité de validation en temps réel de mes décisions.
Ce sont des premiers pas, et c'est à suivre.
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