Depuis deux ans, de nouveaux objectifs de focale 50 mm font leur apparition sur le marché.
Bonne nouvelle, en particulier dans le cas de la dernière 50 f1,8 de Nikon, qui promet de bonnes performances à pleine ouverture ainsi qu'un prix abordable.
Ce qui me déroute autour de cet enthousiasme, ce sont les qualificatifs qui entourent ces objectifs : grands classiques, superbes performances, objectifs pour portraits, beaux hors foyers, etc.
Il faut se souvenir de l'historique de ces « grands classiques ». Ces objectifs constituaient les « kit lens » par défaut les meilleurs marchés qui accompagnaient les caméras de l'ère prénumériques. Tous photographes possédaient un tel classique qu'il le veuille ou pas.
Théoriquement, les focales fixes sont plus sujettes à offrir de meilleurs résultats optiques vu leur simplicité de construction par opposition aux zooms. Un objectif zoom doit souvent faire des compromis importants pour offrir simultanément les multiples focales et des résultats acceptables. C'était du moins le cas, il y a vingt ans, où les seuls zooms respectés étaient les Angénieux sur les appareils 35mm.
Mon problème réside dans le fait que, selon moi, la technologie est au service de l'image et non l'inverse. Tous ceux qui travaillent avec des focales fixes savent que l'on finit très souvent par recadrer (donc, perdre de la résolution) afin d'obtenir le cadrage désiré. D'autres diront que l'on a qu'à se déplacer pour obtenir notre cadrage plein capteur. En se déplaçant, on modifie la perspective recherchée et l'inter-action entre les éléments. La priorité devrait toujours être de prioriser le point de vue en premier et utiliser l'objectif qui couvre notre cadrage le plus efficacement que possible. Les zooms permettent cette flexibilité avec peu ou pas de recadrage, car ils offrent une infinité de focales intermédiaires de sorte que pour un point de vue donné, on peut obtenir le cadrage le plus serré possible et par le même fait, utiliser la pleine résolution de notre capteur de façon optimale. Quand on commence à fonctionner avec des focales fixes, on commence à faire des compromis sur la composition, la parallaxe entre les objets, etc.
De plus, les focales fixes ne sont pas la panacée des bonnes performances. Ça dépend des constructions et des ouvertures utilisées. On se souviendra aussi que les caméras à haute densité de pixels ont de la difficulté à capter les rayons en provenance des ces très grandes ouvertures. Enfin, si ça permet de capter des scènes sans flash et ainsi mieux enregistrer une « réalité » ou de faire disparaître un arrière-plan distrayant, bienvenue aux grandes ouvertures abordables.
50 mm f1,4 Sigma, photo Martin Benoit
8 commentaires:
« Tous ceux qui travaillent avec des focales fixes savent que l'on finit très souvent par recadrer (donc, perdre de la résolution) afin d'obtenir le cadrage désiré » ... j'argumenterais longuement sur ce point ainsi que plusieurs autres du paragraphe dans lequel il est présenté.
En premier lieu il s'agit d'une recherche d'esthétisme, donc une question de goût ce qui est propre à chacun.
C'est mon opinion que l'une de plus grandes failles des photographes aujourd'hui est qu'ils ne savent plus cadrer, ils ne savent plus voir. Jadis l'un des ingrédients principaux dans le style « le look » d'un photographe, le cadrage aujourd'hui et trop souvent laisser de côté ou mal utilisé ... à tous jouer avec les mêmes deux ou trois zooms tout le monde se retrouve avec les mêmes images qu'ils essaient ensuite de différencier entre eux par l'utilisation de divers filtres et techniques numérique (Photoshop, Lightroom).
Patrick, je ne comprends pas bien ton intervention. Tu dis qu’en utilisant les mêmes deux ou trois zooms, on se retrouve avec les mêmes photos. En quoi est-ce différent que d’utiliser des focales fixes. Les choix de focales fixes étant encore plus limités, on pourrait croire à encore plus de photos similaires du point de vue esthétique (perspective et profondeur de champ qui leur sont propres) ?
Je suis pleinement d’accord avec toi que le cadrage est très souvent laissé à désirer et le regard est très furtif. La possibilité de valider le résultat et le faible coût des prises de vues doit en être responsable.
J’ai un étudiant qui a fait un projet de session à la caméra 8 x 10 et qui n’a pu s’acheter qu’une boîte de 25 feuilles de HP5. J’ai assisté à une prise de vue qu’il a faite et j’ai été témoin de sa longue réflexion avant de déclencher.
Pour ce qui est des effets Lilghtroom et cie, tu ne saurais être plus juste. Le contenant prend très souvent le dessus sur le contenu et dans quelques années (pour ne pas dire des mois) on aura oublié toutes ces photos…
Les focales fixes avec une ouverture de 1,8 ou plus grande encore font rêver, mais à l'usage, je ne vois pas comment je pourrais les préférer à mes trois zooms. D'aucune façon, je saurais travailler plus rapidement qu'avec ces lentilles.
La popularité des focales fixes vient de deux choses: 1. l'engouement pour les images où la profondeur de champ est la plus courte possible. 2 le fantasme de travailler avec des objectifs de nouvelle génération.
Entre vous et moi, c'est pas un peu débile d'acheter une 50mm f/1.2 quelque chose comme 1800$ quand la f/1,4 est quatre fois plus abordable?
J'aime bien shooter avec des fixes au moins de temps en temps car j'ai plus l'impression de me familiariser à fond avec une focale précise et tout ce que ça implique du côté distance au sujet, perspective et compression.
Un peu comme quand on trouve un format qu'on aime beaucoup que ce soit 4:3, 3:2, 16:9, carré, etc.. J'ai l'impression que chacun d'entre eux demande une concentration particulière et aucun ne s'applique à toutes les photos.
Ça me fait penser à la phrase dans le billet qui parle de recadrage.
Manifestement, si l'on veut recadrer le moins possible il faut être à la bonne focale à l'endroit parfait, mais au bon ratio aussi. Toutes ces choses combinées ne sont pas préparables d'avance la plupart du temps, alors on crop quand il faut.
Bien d'accord sur la rapidité de trouver notre cadre avec les zooms par exemple. Mais c'est cher des bons zooms 2.8, tandis qu'une 20mm 2.8 manuelle qui est en masse bonne même sur un boîtier allergique à la lumière crochue, ça coûte peu et rentre dans une poche de manteau.
Il y a toujours des compromis, lesquels choisir dépend de ce que l'on veut et comment on aime travailler.
Il y aura éternellement des photographes avec du revenu jetable pour encourager la recherche et développement de nouveaux produits ridiculeusement chèrs.
En fait mon intervention est par rapport à la « vision », j'argumenterais qu'en faisant usage de quelques modèles de zooms populaires et ayant, disons, multiples choix entre 16 et 200mm beaucoup n'apprennent jamais à proprement cadrer ou voir, zoomant frénétiquement entre les possibilités sans jamais regarder autre chose que le sujet principal dans le cadrage.
Bref, bien entendu je fais dans la généralisation un peu avec ces commentaires, mais c'est l'impression qui j'ai ces temps si en étudiants le travail de divers photographes.
En ce qui concerne ton commentaire François, je partage un peu ton opinion. Moi aussi j'hésiterais beaucoup à mettre le montant sur ce genre d'objectif. Ceci étant dit, à pleine ouverture ils offrent un rendu et un bokeh que je n'ai jamais retrouvé dans aucun autre objectifs.
« Tous ceux qui travaillent avec des focales fixes savent que l'on finit très souvent par recadrer (donc, perdre de la résolution) afin d'obtenir le cadrage désiré »...
Je ne comprends pas pourquoi créer des images en focales fixes signifie sacrifier son cadrage. Je travaille seulement en focale fixe (24mm, 50mm, 85mm et 135mm) et je ne recadre jamais sauf pour ajuster mon horizon. Le but de travailler avec des objectifs à focales fixes à grande ouverture (voir sous la barre du f2) est de voir le plus de lumière possible dans son viseur pour améliorer sa visibilité en basse lumière, améliorer la fonctionnalité des systèmes de mise au point, avoir une plus grande vitesse d'obturation dans la même scène et la possibilité d'isoler le sujet avec plus d'intensité.
L'objectif à focale fixe force le photographe à travailler rapidement et avec intention. Il faut savoir réagir à une scène, un événement pour capter le moment unique! Je crois plutôt que les gens en zoom sont plus gênés d'aller dans la scène et l'action.
Pourquoi les appareils moyen format ont pratiquement aucun zoom?
Les zooms et les focales fixes sont deux types de focales qui remplissent des fonctions totalement différentes. Pour tout ce qui se rapporte à la photo de presse et au photojournalisme, les zooms sont évidemment plus appropriés, considérant la flexibilité qu'ils offrent.Cependant, pour tout ce qui est photo «planifiée» (portrait, shooting), les focales fixes sont idéales parce que le photographe sait à quoi s'attendre et peut contrôler l'environnement du shooting. De plus, ces lentilles fixes offrent de merveilleux bokeh qui servent bien le portrait, mais qui sont totalement accessoires dans le photojournalisme.
Ayant fait de la photographie publicitaire et de catalogue à la caméra grand format plus de trois ans et ayant eu à travailler à partir de maquettes spécifiques, j’ai eu à composer avec le fait qu’en grand format la notion de zoom n’existe juste pas et que les impératifs d’une prise de vue sont souvent la relation entre les objets. Afin d’obtenir cette relation spatiale, recherchée par le client où le créateur, la première chose à faire est de déterminer le point de vue avant de sortir son trépied et d’installer la caméra. Une fois que ce point de vue est trouvé et que l’interaction entre les éléments s’établit, il faut trouver la focale qui permettra de couvrir au mieux la surface de capture pour le cadrage recherché. Je me suis souvent retrouvé à avoir à utiliser des focales non usuelles sur ce format de caméra, car c’étaient uniquement ces focales qui permettaient d’obtenir ces interrelations. Photographier à la 360 mm sur un 4x5 n’est pas si anormal en publicité et ce n’est pas pour capturer des oiseaux.
Tout ça pour dire que le point de vue prime très souvent pour véhiculer un discours et compromettre notre discours afin de s’adapter à une focale fixe qui nous limite et nous impose à modifier notre interrelation entre les éléments est un compromis que je considère évitable quand la technologie nous le permet.
En tant qu’ex-propriétaire d’une Noctilux f 1,0, je suis le premier à apprécier la luminosité des objectifs fixes et les propos qu’ils nous permettent de tenir. Je suis aussi appréciateur de leur taille plus compacte et de leur faible poids.
Comme vous, je constate que les zooms peuvent inviter à une certaine paresse en terme de recherche du bon point de vue et j’en ai très souvent été témoin en tant qu’enseignant. Mais en tant que professionnel, en possession de ses moyens, est-ce souhaitable d’ajouter cette contrainte quand elle peut souvent être contre carrée par un zoom?
Oui, les zooms de qualité sont très dispendieux et ça, c’est déplorable. Oui, les zooms sont moins lumineux et n’offrent pas les hors foyers qu’une 1,4 ou plus peuvent offrir. Il ne faudrait pas par contre tomber dans le piège de « faire de la photographie pour les photographes ». Piège dans lequel mes étudiants tombent souvent. En tant qu’étudiant, c’est normal que notre premier public cible soit nos amis photographes et tenir un discours qui les préoccupent peut-être légitime, mais en tant que professionnel est-ce légitime de s’adresser principalement aux photographes comme public principal? Qui est touché et préoccupé par les bockehs? En quoi sémantiquement les beaux bockehs sont un élément du discours? Je ne connais pas de grands photographes qui ont fait leur nom avec leur bockeh et comme toutes les autres modes, cette « saveur du jour » passera probablement.
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