Je suis de la génération qui a grandi avec les images crues de la guerre du Vietnam dans Times magazine. Je crois que ces images ont contribué à construire ma compréhension de ce qu'est la guerre.
Ce que les Américains et plusieurs autres pays ont constaté, après cet exercice de liberté d'expression, est que le contrôle de l'imagerie diffusée d'un événement altère énormément la perception que le public a de cet événement. Contrôler cette imagerie permet de contrôler la perception. Désinformation 101...
L'"embedding" quasi systématique des journalistes et photographes lors de la première guerre du Golfe est un exemple de contrôle quasi total de l'information. Qu'avons-nous retenu de la pertinence et de l'impact de cette première guerre, à vous de répondre.
Je fais partie de ceux qui croient que la non-représentation des dures réalités de la guerre contribue à fausser notre perception de cette activité que nos élus financent de nos deniers.
Si vous avez déjà discuté avec quelqu'un qui a participé à des activités militaires, vous savez que même la représentation la plus atroce d'un événement militaire est de très loin inférieure émotivement à ce que vivent les personnes directement impliquées. En autres mots, il est très difficile d'exagérer l'horreur quand on parle de drame de guerre.
Quand j'étais adolescent, il se commettait environ 150 homicides par an au Québec et des journaux spécialisés s'assuraient que l'on voit les visuels appropriés de ces événements. De tels journaux ont disparu et les homicides ont baissé aux alentours de 50 par an. Il y a 40 ans la perception du danger de vivre à Montréal était moindre que celle d'aujourd'hui contrairement aux statistiques d'homicides. Nous voyons moins les résultats des crimes, mais croyons davantage qu'ils ont lieu. Désinformation 102...
Sontag explique comment la vision de la "douleur des autres" est un phénomène complexe en terme d'impact social. Ici, au Canada, le gouvernement fédéral contrôle la diffusion des images du retour des soldats morts au combat depuis quelques années. Somme nous plus pro guerre ou moins antiguerre? La controverse autour de la publication d'un militaire américain à la veille de sa propre mort prise par Julie Jacobson démontre la complexité de la question.
Mon propre fils bien adoré fait partie des Forces armées Canadienne. Je serais le premier hyper malheureux s'il devait lui arriver quoi que ce soit lors d'un exercice militaire de quelque nature. Il reste que c'est son choix et avec ce choix viennent des risques qu'il doit assumer. Doit-on aseptiser les réalités de la guerre ou de toutes autres formes de tragédie par respect pour les proches? cet argument nuit-il au droit à une information juste et équilibrée? Dans le cas de conflits de l'ampleur d'une guerre, je ne crois qu'il est particulièrement important que le citoyen ait l'heure juste dans la mesure où il est possible d'avoir l'heure juste dans de telles circonstances. Aseptiser ces réalités correspond à mentir pour des fins partisanes. Désinformation 103...
Dans un même ordre d'idée, Patrice Lagacé de La Presse, se plaint du comportement "paparazi" de certains sites qui diffusent des images "non pertinentes" de la vie privée des acteurs du star système québécois. Je n'encourage en rien ce genre d'activité qui ne constitue pas de l'information en soi et qui ne contribue pas à permettre aux citoyens de faire des choix de vie plus éclairés afin de protéger la démocratie. Par contre, il y a une proximité entre le fait que les relationnistes de plusieurs artistes travaillent à restreindre l'accès des photographes à leur protégé de peur que le portrait publié ne soit pas favorable. On se ramasse avec des accréditations lors de grands événements culturels qui ne donnent accès qu'aux premières 3 minutes de l'événement certaines fois. L'artiste n'a qu'à faire bonne figure que quelques instants. On évite ainsi de voir le lendemain une photographie de l'artiste en sueur avec des cernes de transpiration sous les bras. Les artistes sont des extra-terrestres qui ne transpirent pas. Désinformation 104...
Comprenez moi bien, je ne suis pas en faveur de la diffamation photographique et du potinage et je considère ce genre d'activité un gaspillage de bande passante qui est assumée par tous les utilisateurs d'Internet. Une forme de cyber gaz à effet de serre toxique.
Cet été, j'étais à Mexico où à chaque matin les unes des quotidiens sont maculées d'images ensanglantées des règlements de comptes des divers membres des cartels. Je me croyais dans Allo Police 40 ans auparavant version couleur. Une ville avec une population de plus de 25 millions d'habitants et de grandes inéquités sociales, il est probable que ça finisse mal à l'occasion. Est-ce que ça rend Mexico une ville dangereuse? Selon mon gendre mexicain, oui.
Qu'est-il légitime de photographier, de publier et comment construisons-nous notre compréhension du monde qui nous entoure afin de prendre nos décisions sur une base quotidienne? Dans quelle mesure utilisons-nous le malheur des autres à nos fins photographiques? Ceux à qui j'ai enseigné Portrait social connaissent ma tourmente relativement à cette fonction utilitaire que j'ai fait de Suzanne L. avant qu'elle se suicide...
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