samedi 19 juin 2010

Trop d'objectifs, pas assez d'yeux et écotourisme

The Lens publie une histoire intéressante relatant le comportement des nouveaux touristes avec leurs caméras ainsi que leur « détachement » envers les humains qu'ils ont devant leurs objectifs.

Ce n'est pas parce que tu as une caméra que tu as un code de déontologie photographique ou une morale personnelle. Est-ce propre aux touristes? Des gens « scrummés » par des photographes professionnels ça arrive tous les jours. Il faut mentionner que dans l'histoire décrite par The Lens, les touristes sont invités à se comporter ainsi par le guide touristique. Peut-être que si le guide mentionnait qu'il faut être silencieux, car nous sommes dans une église ou une bibliothèque, il en serait autrement. Il y a une « tyrannie du groupe » qui provoque ce genre d'attitude. Je suis prêt à accuser les touristes insouciants, mais il faut analyser le contexte.

Lorsque l'on voyage à l'étranger, il y a toutes sortes de façons d'apprivoiser et de s'« approprier » notre séjour. Certains, c'est en se documentant au max avant et durant le voyage par l'intermédiaire de bouquins, d'autres, c'est en s'engageant un guide, d'autres c'est en se faisant des amis sur place comme guide, d'autres c'est en s'abandonnant à la découverte sur les lieux sans préméditations. Enfin, certains prendront des photos et les partageront et les revisionneront en soirées de « projections de diapositives » avec leurs amis.

Le faible coût d'utilisation et le bon fonctionnement des nouveaux appareils numériques démocratise le geste photographique, il reste, à développer une attitude et ça ce n'est pas expliqué, dans le manuel d'instruction. Mais ce n'est pas expliqué dans le manuel d'instruction d'une automobile comment bien se comporter dans le trafic. Ça prend des années d'expérience de conduite pour devenir civilisé et des fois certains ne s'éduquent jamais.

Cette question est celle de l'écotourisme. Comment aller dans des destinations exotiques et ne pas se comporter comme dans un zoo? Le simple fait d'arborer sa richesse dans le tiers monde est une agression envers les pauvres même si l’on a l'impression de ne rien arborer. Le simple fait que l'on ait les moyens de se rendre dans le tiers monde et de revenir à la maison est une démonstration de notre richesse.

Je déjeunais récemment avec une ex-étudiante de photo qui revenait temporairement du Cameroun et elle me parlait de l'agressivité envers elle qu'ont les Camerounais à cause de sa blancheur et de sa richesse. Qu'allons-nous découvrir dans ces nouvelles destinations exotiques et comment le faire dans le respect de sa population? Qu'est-il pertinent et respectueux de photographier? Sommes-nous citoyens ou photographes avant tout? Pourquoi faut-il que la photo du moine tibétain soit la nôtre et non pas celle du guide touristique? Je n'oublierai jamais le cliché de Fidel Castro que je n'ai pas fait lors des funérailles de Trudeau quand je l'avais devant moi et que je ne le voyais pas, car je regardais un écran géant qui nous le montrait, mais je ne réalisais pas que l'action se déroulait à quelques pieds de moi. J'ai vu Castro sur un écran, mais pas de mes propres yeux en direct... Je n'ai donc jamais vraiment vu Castro. Roland Barthes aimerait cette problématique de l'image et du souvenir (Référence à La chambre claire)

Tout retourne toujours au paradoxe de l'exotisme et le comportement photographique. C'est pourquoi je devrai continuer à faire l'exercice du Curtis.

photo de deux touristes chinois devant l'entrée de la Citée Interdite à Pékin; ces deux touristes m'avaient demandé de me faire photographier avec eux pour qu'ils puissent montrer au retour dans leur village qu'ils avaient rencontré un Occidental dans la grande ville; après leur avoir rendu ce service, je les ai photographiés. C'est compliqué la photo. photo Martin Benoit 1999

Aucun commentaire: